L’acier et l’aluminium portent les stigmates de leur courte existence. En collectant les canettes brutes, Éric de la Roche accumule les sujets de création. Sa palette s’étoffe, de même que sa technique artistique. L’éphémère devient intemporel.
Comme un clin d’œil à l’horlogerie, l’idée naît en Suisse en 1995. À Lausanne, le regard d’Éric se pose sur un objet abandonné, négligé : une canette écrasée subissant les outrages du temps. Par un travail minutieux rappelant la précision horlogère, il transforme ces emballages jetables en cadrans uniques, où chaque bosse raconte une histoire oubliée.
Issu d’une lignée horlogère remontant à 1742, Éric de la Roche exerce depuis 1976 une double passion: la restauration d’anciennes et la création de pièces uniques où le vulgaire côtoie le précieux.
Un déchet dans une montre, c’est le contraste ultime. L’immondice uni au précieux et au durable. Un mariage contre-nature qui fait hurler les puristes.
Collecte : Chaque pièce est sauvée des rues (Paris, Genève, New York…) avec sa géographie de chocs et d’oxydations
Transformation : Découpe préservant les imperfections, montage sur des mouvements à quartz reconditionnés ou sur des mouvements mécaniques/automatiques révisés.
Scénographie : La montre est présentée avec sa canette d’origine dans un coffret-musée, créant un dialogue entre l’avant et l’après
Pour que l’objet puisse prétendre au statut de pièce d’art, Éric de la Roche explore de multiples procédés de mise en valeur. Les cannettes, d’abord simplement encadrées, révèlent déjà leur puissance évocatrice par cette mise en scène élémentaire – un appel à la considération, à la contemplation.
Au fil du temps, l’artiste repousse les limites du cadre. Certaines œuvres intègrent la photographie du lieu où la canette fut trouvée : un trottoir fissuré, une bouche de métro, un banc public. Grâce à des tirages grand format et des procédés de sur-netteté, ces clichés redonnent vie à l’histoire oubliée de l’objet. La moindre rayure, la plus infime trace de rouille deviennent des détails dignes d’un musée.
Sérigraphie : Les motifs urbains des cannettes sont sérigraphiés sur toile, créant des diptyques où l’original et sa réinterprétation se répondent.
Sculpture : Cannettes découpées en spirales, soudées en formes organiques qui défient la rigidité de l’aluminium.
Installations : Suspensions de centaines de fragments dans des résines translucides, jouant avec la lumière comme des vitraux contemporains.
Chaque technique révèle une nouvelle facette de ces matériaux négligés. Des déchets anonymes, Éric extrait une émouvante présence – et prouve que l’art naît là où le regard se pose avec patience et audace.
K.Net 2222 n’est pas qu’un projet artistique. L ’artiste s’inscrit dans l’action :
Il souhaite dédier son travail au soutien d’une organisation de défense de la nature.
« Je ne prétends pas sauver la planète, mais j’offre une seconde vie à ce que notre société rejette », précise Éric. Un atelier mobile permet aussi de collecter des canettes lors d’événements culturels.